Des fils immenses aboutissent chez moi,
Tentacules ces poulpes géants qui caftent
Sur terre, sous terre,
Dans les mers
Quels milliers de kilomètres ont-ils parcourus ?
Arachnides ou bien vers à soie
Avec quels satellites là-haut, mûriers, entretiennent-ils
Leur petite causerie bombyx ?
Des fils immenses aboutissent chez tous,
Émargeant l'horizon leur appel de phares,
Projecteurs sur un ciel éclairant les étoiles
– Tout un monde à la renverse –
Par fibres optiques
Pendus chez vous leurs snapshots.
Des fils immenses aboutissent chez ceux
Qui avec d'autres taillent le bout de gras,
Qui consultent l'encyclopédie de d'Alembert,
Qui se matent Orphée de Cocteau,
Qui demandent "que faire quand on s'ennuie ?" (65000 résultats),
Qui bigophonent au hasard à l'autre bout d'une péninsule,
Doigt féerique
Réveillant trois primates à eux semblables,
Omnipotence, technologie,
Bottes de sept lieues point mais l'index d'ubiquité sonore.
Des fils immenses les océans enjambent
Pour alimenter vidéo les caméras (en direct)
Ils déploient, minuscules, leurs radicelles :
État de la neige à Tignes
Ou à Nozawa Onsen.
Sans moufter des fils immenses chez moi s'enracinent,
Trimballant, délicieuse sève, leur cascade phrases,
Les micros-trottoirs,
Cet exact crachat,
Radio en ligne locutions des natifs,
Leurs bouches à l'envi coudant les vocables.
Des fils immenses ma baraque enveloppent,
Ce cocon
Où, soleil matinal sur les tatamis,
Une théorie de poètes lointains procède,
Ondes pour le crawl, nageurs fantomatiques,
Grands bavasseurs ou oursins
À toute une fratrie en exil parlant boutique,
Lui offrant, roborative, sentinelle,
La tasse poésie du matin.