Paysage à rebours

Paysage à rebours, Lanskine, 2012, 47 pages                                           Telechargement

Il y a un paysage

Il y a un paysage.

C'est une région avec des lacs. On en fait le tour sur un

petit chemin. Parfois on peut s'y baigner, parfois pas. Ils

sont un peu frisquets.

Ont des courants, dit-on.

Certains maars sont géologiquement récents, le lac Pavin,

d'autres bien plus anciens, le Gour de Tazenat.

 

 

 

Des localités s'y pressent, dans la plaine surtout.

Les habitants les déclinent : Maringues, Enval, Pont-du-

château et Ménétrol.

Ainsi, sans doute, parlent-ils tous même langage.

 

 

 

Stature droite d'une part, accessibilité de l'autre, le cône

égueulé s'aborde mieux par sa pente la plus douce.

De la Saint-Amable d'été à la Saint-Amable d'hiver, la

nature y prodigue ses fruits désirables : framboises sauvages,

noisettes ou glaçons stalactites à faire craquer sous

la dent.

Un chemin sur la gauche en montant procure une pente

magnifique à qui pratique l'art de la luge, manette à gauche

et manette à droite.

Pour trouver l'embouchure de cette sente particulière, se

repérer au hêtre d'âge moyen qui tend les bras : du gauche

il indique où se rendre.

 

 

 

 Ce paysage de montagnes érodées est tout à l'effigie d'un

visage.

Le puy de Jumes, crâne dans la bruyère.

Gros oeil, le cratère ouvert du Pariou.

La Louchadière, hêtraie pentue.

Langue tirée du puy Chopine.

 

 

 

La pouzzolane, c'est une roche expulsée des volcans.

Elle est sombre ou rouge, suivant le cas.

Il suffisait d'en ramasser les gravillons enfant pour avoir ce

plaisir de les laisser couler ensuite entre les doigts,

Couler, scories.

 

 

 

Si vous étiez une fenêtre...

                                                                                                                                        P1010233 copie

 Si vous étiez une fenêtre, vous seriez une ouverture ni

trop large, ni trop étroite, mais bien droite.

Ni une baie, ni une lucarne.

Une fenêtre à remplage sobre.

Une croisée à meneaux - vous en avez toute la complexité régulière.

 

 

Si vous étiez un état de la fenêtre : l'entrebâillement. La

crémone retenant ce qui pourrait s'ouvrir, châssis entrouvert à l'espagnolette.

 

 

Comme matériau, le verre. Un verre cathédrale, plein de

bulles. Un verre artisanal, épais, teinté. Translucide, il illumine

l'intérieur de la maison et tout à la fois le protège, de

l'extérieur ne le laissant pas deviner.

 

 

Si vous étiez un ornement, le volet interne. Une persienne

en bois, se repliant en trois exemplaires sur elle-même

pour se coller contre le mur.

 

 

Ou bien, profondeur de l'embrasure, banc latéral pour

bouquiner près du soleil.

 

 

Clichés

Photo argentique,

A l'époque

Ces noir et blanc se faisaient

Avec un agrandisseur,

En opérant dans le rythme du compte-pose

Sous la lumière inactinique.

On s'agitait autour

Des cuvettes

Avec des pinces

Et du papier baryté,

Prenant à l'envi de ces airs mystérieux

Dans la lumière rouge

A agiter des caches,

Comme manigançant quelque séance de sorcellerie.

 

 

Les tirages d'alors

Sont déjà excessivement démodés,

Les habits disent un autre temps,

Les visages frappent par leur jeunesse,

On sent, ressent ce qui en sépare

En termes de durée.

 

 

Photos du passé.

Connaître pour certains

La suite de l'histoire

Les rend plus dures.

Un moment d'innocence,

Un vaste sourire,

Si tu savais.

 

[...]